01-12-2013, 18:16:14
Plutôt content de la réaction de sa comparse, Reinhard tira un sourire satisfait de sa « poche à regards malicieux » dans laquelle il rangeait toute sa panoplie d'expressions faciales exaspérantes.
Intérieurement, la vague idée que la gente féminine puisse répondre à ses attentes à l'aide de quelques paroles gratuites et d'un soupçon d'ingratitude charmante prenait de plus en plus forme. Un jour elle deviendrait consistante et difficilement ébranlable.
Il la regarda un instant se transformer en corbeau pour atteindre la fenêtre et se poser sur cette dernière. L'oiseau arrivé en hauteur et reprenant sa forme, il décocha un imperceptible mouvement de tête pour capter le dessous de la robe de la Corbic avant de se rappeler intérieurement à l'ordre.
Il produit alors une grimace de dégoût accompagnée du mime d'un vomissement, son index et son majeur pointés vers le fond de sa gorge. Après tout on lui avait appris, depuis tout petit, que les Corbic étaient sales, difformes et ignorait tout du traitement des maladies vénériennes. Même si l'enfant ignorait le sens du mot, c'était suffisamment compliqué pour en induire des choses terribles.
Reinhard s'approcha alors, en douceur, de la porte condamnée par de lourde planches, pour y coller son oreille. Sa langue pointant légèrement au coin de sa bouche (et ayant la ferme conviction que ça accentuait ses sens), le renardeau reteint sa respiration et se concentra sur les bruits provenant de l'intérieur.
Un grognement rauque suivit d'un léger rire et d'un soupire lui fit soulever un sourcil. Ce n'était pas le genre de bruit d'une échoppe ou l'on traînait des tonneaux, fermait des bocaux, comptait ses pièces d'or et époussetait ses trésors. (hrp : waouuhchlabada, trop fort)
Il décrocha son oreille pour se pencher vers l'enseigne, taillée dans une écorce verdâtre et couverte de saleté qu'abordait l'établissement «La Sail... ». Le reste était trop illisible.
« La quoi ? » Pensa-t'-il intérieurement. « La Saignante ? ». Une réflexion intense s'installa entre ses neurones qui entamèrent un pugilat interne pour se rappeler ou non la présence du « L » dans le précédent mot.
« Ça doit être une boucherie ? » Conclut'-il au même moment où le carreau de la vitre laissa passer la jeune fille dans un fracas.
Il grimpa alors en deux mouvements souples à la fenêtre pour observer ce qui était advenu. Il ne dit rien, il observa en silence en restant dans l'ombre avant de se laisser glisser contre le mur dans la rue.
Que faire ? Ou plutôt, fallait'-il faire quelque chose ? Ne valait'-il pas mieux laisser la Corbic à sa déconfiture ? Cela semblait une bonne idée. Il rentrerait en prétendant qu'elle était tombée dans une crevasse ou quelque chose comme ça. Elle finirait bien par retourner chez eux , couverte de bleue et d'écorchures, comme d'habitude.
Reinhard songea, et si elle ne rentrait pas ? Et si on lui imposait un autre Corbic ? Un de ces vieux croûtons dégoûtants qui servaient d'ancêtre à Quoth par exemple ? Non, il valait mieux éviter ça et puis Quoth et lui avait le même âge, c'était plus pratique pour jouer à chat.
Une lampe à huile accrochée à plusieurs mètres au-dessus de la ruelle (une importation du désert des Hélion, sans aucun doute) lui apportât une idée aussi lumineuse que si elle avait été suspendue directement au-dessus de sa tête.
Quelques secondes plus tard, grimpant plus vite aux arbres qu'un totem d'écureuil, il sectionnait certains des brins de la corde qui tenait suspendue fermement la lampe.
Dans quelques instants, cette dernière chuterait près de la porte ou il se tenait précédemment et enflammerait suffisamment les racines de la ruelle pour produire une diversion respectable.
Bien sûr, l'idée que les pyromanes devaient être plutôt mal vus et sévèrement punis
dans une société s'abritant dans des forêts d'immenses arbres traversa l'esprit du jeune garçon. Oui, bien sûr, il pouvait mettre le feu à toute la cité et ça risquait de causer du dégât, mais c'était excitant pas vrai ? Et puis, il serait déjà loin quand la lampe se briserait.
Et puis ... roh zut, pourquoi toujours réfléchir quand on peut courir en riant sous une cape que l'on n'a pas encore, mais qu'on imagine très bien !
Il arrêta sa course effrénée après avoir contourné le bâtiment, la boucherie soi-disant, et resta perplexe quant au nombre de représentants féminins en tenue légère qui semblaient fréquenter l'établissement funeste. Quelques faufilages plus tard (et quelques regards interloqués plus tard) il arriva dans un couloir aux teintes rougeâtres, couvert d'oreillers et de boisson alcoolisée éparpillées, renversées, brisées.
Il chercha la porte de la pièce ou Quoth devait être tombée, estima en calculant le nombre de fenêtre et ouvra la porte d'un grand geste pour tenter de laisser sortir sa complice.
Ce n'était, bien sûr, pas la bonne pièce.
Cependant, ce que Reinhard aperçu ce jour-là il ne l'oublia jamais et cela continuas à titiller sa curiosité pendant longtemps.