Histoire de famille
#6
La Corbic, du haut de sa petite taille, scrutait de ses yeux rougeâtres les environs. Si on la prenait si loin du manoir, on la gronderait. Elle aurait beau dire que c'était ce petit voyou de Goupil qui l'avait traîné, elle, la bien docile, la bien dressée, on ne la croirait pas. Elle tiqua, remettant une plume dans ses cheveux, l'air indifférente à ce que le rouquin pouvait encore s'inventer. Elle n'en avait rien à faire qu'il puisse s'ennuyer – elle commençait sérieusement à croire qu'elle perdait son temps avec lui et qu'elle aurait plus de chance de rentrer et de tout cafter à Hobbes…

« Tu pourrrais aussi bien le rrendrrre à ton oncle une foââ qu'on serrra rrrentré…. »

Mais il ne l'écoutait déjà plus. Avec son cerveau gelé, elle ne s'étonnait pas qu'on ait du lui mettre une fillette pour garde du corps. Elle roula des yeux, pas franchement intéressée par l'énième discours du petit prince fauché. Elle poussa un long soupir, ennuyée par le Goupil.

« Fais-moââ le plaisirrr de rregrrretter ta naissance et d'en finirrr avec ta vie en t'empalant surr le currre-dent de ton oncle… ça serrrait bien la seule chose que j'aurrrais un plaisirr à endosserrr. »

Un petit sourire narquois se dessina sur le visage de la petite fille qui regarda un volatile passait.
Si elle n'aimait pas particulièrement le Goupil, ce n'était pas parce qu'il était roux et qu'il sentait le fauve une fois roulé dans le fumier du voisin, c'était uniquement car en plus de se rouler dans la crotte, il lui faisait toujours porter le chapeau de tous ses méfaits, et c'était elle qu'on punissait. Elle n'aimait pas être punie. L'injustice la débectait et avait forgé en un an seulement un cynisme tel qu'on se demandait bien si elle avait véritablement six ans – comme on se demandait si ce petit fourbe en avait bien six également.

« Nous pourrrions… » Elle sembla réfléchir avant d'avoir un sourire sarcastique.« …aller jusqu'au village pourrr vendrre le couteau de ton onc'. On en tirrerrrait un bon prrix. »

Quitte à se faire punir en rentrant comme tous les jours, il fallait au moins s'amuser et embêter un peu ce bon vieux Emmett, non ? Surtout Emmett.

« Ton onc' tirrrerrait une sale trrronche… enfin, plus que d'habitude… ça serrrait bien drrrôle… »

La Corbic regarda le petit chariot du père Goriot qui passait en contrebas de la colline, un chariot traînait par un bœuf, et son cochet, avec son totem d'âne apparent, tapant du fouet la bête grasse. Ça avait un quelque chose de comique.
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