Tour Holdar

[Thessalie Fauchauvent]

Les choses avaient été si vites, si abruptes, que la jeune prêtresse n'avait pu comprendre véritablement ce qui se passait sous ses yeux. Surprise par la trahison d'Elatos, elle était restée silencieuse au rez-de-chaussée, les yeux écarquillés comme toutes ces choses étaient hors d'elle et qu'elle n'en saisissait aucune. Quel homme pouvait-il vouloir du mal à un autre ? Son propre frère ? Aletheria les avait il mis au monde pour les voir se déchirer les uns après les autres ? Non. Aletheria ne voulait sans doute rien de tout ça pour eux. Aletheria les aimait, et Elatos était en train de bafouer tout ce sur quoi reposer la société centaure actuelle.

Son cœur doucement se calma. Dans sa poitrine, la douleur était toujours présente, ce sentiment d'oppression que lui laissait et lui laisserait toujours la guerre, ce monstre affreux mais nombre de fois nécessaire. La prêtresse bien sûr repoussait de tout son être le meurtre et le sang, et ses mains diaphanes semblaient parler d'elles-même : jamais une seul fois dans sa vie elle n'avait ne serais-ce que penser à donner la mort. Quand bien même Elatos les trahissait en ce moment et causer la perte des leurs dans une bataille aux enjeux plus grands qu'imaginés, elle ne le haïrait pas.
La meilleure des armes restait le pardon; c'était ce qu'on lui avait enseigné toute sa vie durant. Que la Grande Prêtresse lui avait enseigné, délicatement au fil des années. Un cœur pur dans un corps sain. Voilà ce qu'Aonie était; un exemple suprême de bonté et de pardon.

Un petit choc à l'étage et des hurlements la réveillèrent cependant. Sortant de sa torpeur silencieuse, la centaure avança doucement, un sabot à la fois. Elle eut rapidement gravit la rampe qui donner l'accès au premier et seul étage. Elle posa ses yeux sur l'assemblée dans le calme olympien qui la décrivait si bien. Ils étaient tous là, les regards tantôt apeurés, tantôt intransigeants, mais aucun n'avait une âme aussi apaisée que la sienne. Elle n'avait pas peur cette fois, elle se savait guider, comme si sa main ne lui appartenait pas. Elle passa lentement entre les centaures - personne n'aurait osé toucher un seul de ses cheveux - et s'arrêta devant le cadavre d'Elatos, étendu sur le sol.

Il était triste de voir cet homme qu'elle avait connu ainsi, encore plus triste d'y voir les marques de coup donnés par d'autres centaures. Elle se pencha en silence, et ses doigts se posèrent délicatement sur ses yeux afin de les fermer. C'était le moindre des respects.

Toujours silencieuse, elle se redressa et ses yeux se posèrent sur les Sagittaires, puis sur Cyrallus. Elle eut un sourire doux, hors du monde puisque tout autour d'elle n'était que violence et frustration. Son coeur était pur et baigné par la grâce d'Aletheria. C'était peut-être pour cette raison que tout lui semblait... autrement.

Mes frères, mes amis... commença t-elle, d'une voix douce, je vous ai connu et je vous connais. Votre coeur est bon et vous cherchiez à bien faire, mais dans la vie, il arrive que l'on fasse des erreurs sur ce qui nous paraissait pourtant le plus vrai.

Ne soyez pas en colère, ne soyez pas frustré, et surtout, n'ayez pas peur. La peur paralyse votre esprit et vous fait perdre le chemin qu'Aletheria a tracé pour chacun de vous. Elatos avait sans doute peur, peur que la société s'éloigne d'Aletheria, mais en faisant ainsi, c'est lui qui s'est le plus éloigné de nous tous en osant porter l'arme sur un des notres, sur un de ceux qu'il devait protégé.

Elle reposa ses yeux sur l'assemblée Sagittaire :

Soyez rassurés, personne ici ne vous en voudra, tout le monde ici vous pardonnera.

Nous sommes frères et soeurs.
Nous ne devrions pas avoir à nous battre.

Ses yeux clairs attendaient une réponse, mais sa voix avait pris en maturité et était davantage assurée. Elle posa ses yeux sur Cyrallus, comme elle savait que lui seul pourrait les dépêtrer de cette situation, car même si les Sagittaires étaient ceux qui aimaient le plus Aletheria parmis le peuple centaure, ils avaient aussi été les plus manipulés par leurs sentiments envers la déesse.