La Compagnie Naine
#10
La nuit vint mettre un terme aux premières escarmouches et les nains montèrent leurs tentes sur le fin manteau blanc qui recouvrait cette partie d'Ecridel.
La journée avait été belle et les ennemis peu nombreux et facilement vaincus mais Veunain n'en fut pas moins content d'en avoir terminé pour ce soir. Il s'enveloppa confortablement dans sa couverture en peau d'ours puis fourra sa pipe avant de l'allumer et d'en tirer trois grosses bouffées. Il soupira d'aise.
Il resta ainsi quelques minutes laissant son esprit vagabonder au rythme de ses inspirations enfumées et se repassa mentalement le cours de la journée. Finalement il farfouilla dans son sac et en sortit délicatement un gros livre usé qu'il ouvrit en son trois quart : le sommeil ne viendrait le chercher qu'après avoir fait son devoir de mémoire.
Le nain se saisit de son encre et de sa plume avant de la poser quelque part sous le chapitre septante-deux :

Citation :...et ainsi commença notre nouveau périple. A l'aube, alors que le soleil pointait timidement à l'horizon, nous nous mîmes en marche vers les sud-ouest au son des rots et des chants de nos ancêtres.
Il ne nous fallut que deux heures à peine pour comprendre que la route ne serait pas de tout repos.
Lorsque nous pénétrâmes dans les neiges éternelles un vent puissant se leva soudainement portant à nos oreilles des cris lointains de jouissance malsaine. "C'est une de leurs sorcières qui fornique avec un démon des glaces pour qu'il nous gicle à la gueule" cria l'un des nôtres, et les minutes qui suivirent lui donnèrent raison. Une tempête de neige comme on en avait jamais vu de mémoire de nain s'abattit sur nous si bien que le ciel même devint blanc et qu'on n'y vit pas plus loin que dans le cul d'un centaure constipé. On aurait dit que la neige poussait à même du sol et en une dizaine de minutes elle vint nous titiller jusqu'au couilles torse cou ! J'ai cru voir Grannain se mettre à nager pour avancer plus vite et Ronain pisser pour faire fondre un passage.
C'est à ce moment préci qu'il se mit à pleuvoir des flèches.
Nous n'étions qu'une poignée de braves contre deux trois fois notre nombre, dans une nature hostile et fatigués d'une journée de marche mais qu'à cela ne tienne, nous chargeâmes en beuglant.
"A MOOOORT" éructa Ronain, la nouille toujours à l'air (et grosse comme le manche de sa hache malgré le froid ambiant). "A MOOORT" qu'on a répondu tous en coeur, l'arme à la main et le feu aux boyaux, lorsque les premiers sangs impurs vinrent éclabousser la blancheur du paysage. Et pendant un instant, l'instant, tout ne fut qu'acier, cris et douleur. Puis le vent s'affaissa, les flocons cessèrent de tomber et le calme enveloppa la scène. Celui de la mort et de la victoire arrachée contre toute probabilité.
Ainsi s'acheva notre première journée. Et malgré ce qu'on pensa tous à l'époque, elle ne fut ni la plus longue ni la plus pénible de la Campagne de Tilador.
*Pouf* Veunain referma le livre et s'allongea le sourire aux lèvres. Cette habitude qu'il avait pris de consigner chaque jour les faits de la Compagnie avant d'aller se coucher l'aidait à s'endormir sereinement. C'était presque mieux que la bière.
Presque.
Répondre


Messages dans ce sujet

Atteindre :