Douce solitude
#6
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Avec leur envol, une odeur de blé, transportée par la brise, vint chatouiller mes narines. J'arrivai enfin à la lisière de la forêt. Les blés en germe sortaient du sol par colonie et envahissaient peu à peu le terrain. Devant leur blondeur, je restai béate. Ces couleurs chaudes, et douces, me berçaient peu à peu, et bientôt je me replongeai dans mon enfance.

« Mon Hilary, viens ici. » Et à moi de courir partout, pour pouvoir lui échapper. « Avale cette bouillie de céréales... veux-tu devenir comme papa? Quelqu'un de fort et grand? » J'ouvris la bouche pour réflechir, et me retrouvai avec la cuillère entre les dents. Maman quitta la pièce du souper, avec moi sur ses talons. Et tandis que je grimpais sur un haut coffre en cuir pour mieux la dévorer des yeux, elle défit son himation. Je courus vers elle afin de toucher de mes doigts les jolies fibules en bronze sur l'encolure du costume. Puis je m'emparai de l'écharpe qu'elle venait d'ôter et la frottai contre mon nez. J'humais l'odeur délicate des mamans. Je m'enroulai dans ce tissu plus grand que moi comme pour l'enlacer. Je savais qu'elle ne serait jamais aussi proche, que je ne pourrai jamais la toucher autant, la serrer, presque l'étouffer de tendresse.

BzZzZz

Le vrombissement d'un insecte volant me dérangea dans mon souvenir.


Alíkê Ewilan, qui était de sang noble, t'a élevée dans les convenances. Or les étreintes ne font pas partie de ce qu'on appelle les bonnes manières. Il est vrai.. Néanmoins, ne pouvait-on pas céder une fois au caprice d'un enfant ? Une fois, rien qu'une ?


BzzZz
Krrr « Tu n'iras pas plus loin, toi. » dis-je, agacée. Je desserrai le poing, découvrant l'insecte mort au creux de ma main.
Il n'y a pas plus mort que lui...


Jamais je n'ai haï ma mère, en dépit de son absence. Au contraire, je l'admirais. J'admirais celle que je ne pouvais saisir, qui m'échappait ... c'est un peu comme l'eau qui nous glisse entre les doigts. Cependant, elle m'a déçue. Plus que cela, elle m'a trahie. Et trahi mon père, son mari. Comment aimer dorénavant celle qui a bafoué ses propres principes, alors qu'en leur nom elle avait rejeté mon amour? Comment pardonner à quelqu'un qui nous trahit ? Nous trahit tous... Je l'ai admirée, certes, mais que trop.

Fatiguée, je m'assis sur le tronc d'un arbre encroué. Le vent faisait danser, virevolter, s'emmêler mes cheveux. Ceux-ci se refusaient à encadrer un visage aussi hâve que le mien. Je me dis que je réflechissais trop à mon existence, et me torturais l'esprit. Mais, la forêt avait conduit ma pensée vers d'autres mondes. La quiétude qui y régnait m'avait ramené à moi. Je fis donc le vide dans ma tête. Et immobile sur le tronc, je m'attardai pour un souffle d'air frais.
J'inspirai et, j'expirai, doucement. Peu à peu, mon âme se défit de ses troubles. Alors, j'étirai mes jambes, puis mes bras, et effectuai quelques rotations avec la tête pour soulager ma nuque. Je fis le même exercice avec mes pieds comme pour mettre du baume aux articulations. C'est dans ces moments-là que je regrette de ne pas avoir suivi l'enseignement du prêtre. On m'aurait révélé quel usage faire de chaque plante médicinale. Question plante, ici, on est servi.

J'étais enfin hors de la forêt de Pelethor ; je pouvais me permettre une longue pause. Ces deux jours avaient été fatiguants, de par la marche et la réflexion. Aussi, j'aboutis à une conclusion : Si j'étais incapable d'aimer, c'était en partie à cause d'une mère indigne d'amour.

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