Un Korrigan m'a dit...
#9
Yava la Rousse a écrit :Quand elle avait posé la tête sur ses bras croisés, l'étrange sensation d'avoir été épiée la pris, mais elle n'en fit pas cas et se contenta tout simplement de s'endormir, priant Halista de la garder des mauvais génies et des plantes vicieuses qui parfois accrochaient les chevilles pour vous briser tous les os dans la nuit. Morphée ne fut pas long à venir embrasser ses joues, la couvrant de sa douceur, et c'est sous le regard de la lune et de ses reflets froids, que la jeune elfe s'endormit.

Non loin d'elle, le Korrigan pourtant mijotait déjà une vengeance terrible à son encontre. Si elle avait été éveillée, elle lui aurait sans doute demandé pardon et lui aurait donné, aussitôt même, son anneau, qu'elle n'avait pas porté une seule fois, parce que de toutes les elfes, Yava était sans doute celle qui avait la parole la plus sincère. L'honneur n'avait pas été chose facile à apprendre, pas d'un père qui jadis avait été exilé pour trahison, mais l'idée de loyauté avait traversé son esprit et marquait son cœur : elle ne pouvait concevoir de mentir, et encore moins de fuir devant certaines situations. Elle avait toujours gardé la tête froide, et, comme une femme pieuse, n'avait jamais dérogé aux règles qu'elle s'était imposée. Ses compagnons de route, Kheeva et Crépuscule, étaient du même ressort, et c'était bien pour cela que Kheeva n'avait pas hésité une seule seconde à sortir son arme pour pouvoir porter un coup aux agresseurs de son ami khazar.

Or, le Korrigan n'attendit pas son réveil pour faire tomber sur elle son piège. Aussitôt les yeux fermés, Yava se réveilla ailleurs. Elle somnolait encore quand elle sentit une douce chaleur lui caressait la peau. La douce rosée faisait sensation dans son dos : une fraîcheur nouvelle lui caressait les hanches, et ses cheveux, éparses autour de sa tête, formaient comme une couronne de sang. Elle ouvrit les yeux, et fut éblouie par le soleil tapant. La bonne odeur des roses et des violettes lui remonta jusqu'aux narines, et elle eut un sourire doux et satisfait, quand bien même elle ne se rappelait pas s'être couchée dans un tel champ.

Elle se redressa lentement puis quand ses jambes furent plus fortes, abandonnées par la lourdeur du matin, elle se leva. Elle regardait autour d'elle, touchée par tant de beauté. Le champ était si beau, si fleuri, qu'elle avait beau voir dans son passé, elle ne se souvenait pas d'avoir vu une étendue si resplendissante. Elle effleura de ses doigts les roses, et se pinça les lèvres quand l'épine d'une rose faillit faire couler son sang. Les sensations étaient si réelles, si proches du vivant, que la rousse ne douta pas une seule seconde qu'elle fut en train de rêver.

Pourtant, le portail noir qui se dressait devant elle n'avait rien de commun. Elle avait bien vu Nagoth à l'œuvre, de loin, et ses sbires également, mais jamais de portail d'une couleur anthracite et arrondie. Elle pencha la tête, ses yeux d'émeraude observant de loin – méfiante – la forme et la chose, puis, curieuse de nature, elle s'en approcha doucement. Le pas léger, celui que tous les druides avaient en commun, elle s'arrêta juste devant ce qui ressemblait vaguement à un passage ou à une porte, et finalement entra à l'intérieur.

Le choc fut grand. Alors que le champ sentait beau la rose et l'aubépine, elle fut projetée dans une salle qui sentait la charogne et l'eau croupi. Ses genoux frappèrent de plein fouet le sol comme elle tombait à genoux, à quelques centimètres à peine d'un squelette décharné. Elle retint un cri et se releva aussi sec, les yeux écarquillés. Un bruit lui fit hérissé le poil alors qu'elle se retrouva nez à nez avec deux fantômes. Elle fronça les sourcils, de peur. Etait-elle vraiment dans son monde ou alors…ou alors était-ce Morphée et ses doux bras qui se refermaient sur sa gorge ? Si l'épine de la rose avait effleuré ses doigts, est-ce que les coups de ses fantômes lui feraient mal ? Elle n'attendit pas de réponse et leva son bâton de buis. Ses sorts puissants frappèrent un premier fantôme jusqu'à le faire disparaître, mais le second en profita pour se jeter contre la belle rousse, ses griffes spectrales – ou son arme, Yava n'eut le temps de l'apercevoir – s'enfoncèrent dans sa peau et elle en sentit le froid glacial lui glaçait les os.

Dans un mouvement de panique, elle acheva ses réserves d'énergie sur le second fantôme qui disparut dans une volute de fumée. Elle tomba à genoux sur le sol, seule dans cette pièce, et se demanda un instant si elle finirait sa vie entière à l'intérieur de celle-ci. L'instant d'après, sa tête heurta le sol, douloureusement, endormie.
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