Errances solitaires
#2
À la suite de l'aubergiste, Nelvarel monta les escaliers qui menaient à l'étage des chambres. Il s'enferma immédiatement dans sa chambre, sortit un morceau de pain, le dévora, puis se jeta sur son lit. Fragorn? Pourquoi Fragorn? C'était le nom d'un noble Elfe qui, quelques siècles auparavant, avait tenu tête au roi et, après l'avoir humilié publiquement, s'était exilé loin d'Asteras, pour mener une vie de brigand, défiant l'autorité royale, n'hésitant pas à passer plusieurs mois chez les Orcs afin de connaître mieux cette étrange race. Cet elfe avait été assassiné sur ordonnance royale après une longue traque, alors qu'il tentait de soulever une province entière de l'Empire contre l'autorité d'Asteras. Ce noble brigand, ce Fragorn, mort pour avoir clamé et respecté jusqu'au bout ses idéaux, était sans conteste le modèle de Nelvarel; il était l'un des rares Elfes que le jeune fugueur admirait.

Plongé dans ses réflexions, il s'endormit, son épée à ses côtés, sous les draps. Il n'était même pas midi. Nelvarel fit un rêve des plus étrange. Devant lui se tenait une immense forteresse taillée à même la montagne, et elle était en flamme. Pivotant sur lui même, l'elfe se retrouva nez à nez avec un individu enveloppé dans une cape noire, capuchon rabattu. L'étrange personnage le pointa du doigt. Aussitôt, Nelvarel se sentit basculer en arrière.
Il se redressa d'un bond. Couvert de sueur. Il était dans son lit, tout habillé. La lumière ne filtrait plus par la fenêtre, et pour cause: le soleil s'était déjà couché. Quelle heure était-il? L'elfe sortait de son lit lorsqu'il entendit des pas dans le couloir. Des hommes armés. Le cliquetis de leurs armures de plate ne respirait pas la discrétion! Un mauvais pressentiment envahit Nelvarel. Cédant à la panique, il rassembla à la hâte ses affaires, ouvrit la fenêtre, et sans réfléchir, sauta. Au même instant, la porte de sa chambre s'ouvrait.
Le jeune elfe atterrit au sol sans dommages: par chance, il avait bien sauté. Il se sentit tellement stupide! Il aurait pu se briser les os! Mais il n'avait rien, et il était trop tard -ou trop tôt!- pour se faire des reproches à lui-même. Continuant sur sa lancée, il se mit à courir, traversant tout le village, pour enfin disparaître dans les champs. Ce n'est qu'après avoir épuisé toutes ses forces dans la course, une demi heure plus tard, qu'il se laissa tomber sur le sol, respirant bruyamment. Son cœur battait à tout rompre.

Nelvarel ne savait même pas qui étaient ces elfes à sa poursuite, mais il se doutait bien qu'ils avaient été mandés par son père pour le retrouver. Son père... Que pouvait-il bien s'imaginer en ce moment? Il devait penser que son fils avait été enlevé. Jamais il ne pourrait comprendre que ce dernier s'était enfui volontairement. Raöl Silmë'rion était bien trop sûr de lui pour comprendre qu'il avait été un père haïssable. Au fond, Nelvarel s'en moquait. Ce qui était fait, était fait. Il espérait bien oublier rapidement ses parents: ceux-ci n'étaient pas dignes d'intérêt.
Une pensée curieuse traversa l'esprit de l'elfe. Il n'avait pas payé sa chambre à l'auberge. Il ne put s'empêcher de rire. Un rire nerveux. Il était un hors-la-loi, maintenant.
Comment pouvait-il penser à une chose aussi stupide dans la situation dans laquelle il était? Nelvarel chassa cette pensée ridicule, et se leva. Il devait se remettre en route, et vite. Il n'était pas assez loin d'Asteras pour être hors de portée de son père.
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