Regarde où tu marches !
Je sursautai, m'enlisant un peu plus dans le sol boueux.
Fais attention ! Cesse donc de voyager dans le temps. Mon âme parfois s'égare dans la réflexion. Cela, je l'ai vu. Tes pieds aussi.
D'un air hébété, je baissai la tête. Une épaisse couche vermeille recouvrait mes souliers de fortune. A leur vue, je manifestai une gaité soudaine, découvrant des dents saines entre des lèvres sensuelles. La confection de mes souliers ne m'avait pris que quelques heures. Du fil, une aiguille, une pièce de vélin. Je n'étais donc pas dépitée devant leur état.
« Je vais devoir improviser », fis-je en hochant la tête.
Ainsi, c'est en va-nu-pieds que je poursuivis mon chemin. Un chemin qui me semblait, malgré quelques pièges, très agréable. La nature, capricieuse, avait ses fantaisies et ses tours inattendus. Peut-être même qu'à ma maladresse, un Ent moqueur avait gloussé dans mon dos. Quoi qu'il en soit, j'aimais cette nature-là. Celle qui avait du répondant. Je suis un peu comme elle, pensai-je.
De fait, je suis comme une fleur saupoudrée de givre dont la tige serait couverte d'épines. D'une grande beauté, une beauté fallacieuse, la taille gracile – tout dans la subtilité – mais difficile voire impossible à saisir. Parfois même méprisante et glaciale. « Elle manque de souplesse ! » s'offusquent certains. Il est vrai que je suis intransigeante avec ceux qui, à mes yeux, ne méritent ni pitié ni indulgence. J'arbore fièrement cette froideur en n'acceptant ni erreur ni bévue. Aussi, mon attitude cynique vis-à-vis des convenances elfiques en rebute plus d'un. Et.. tant mieux ! Manifester mon effronterie insolente est mon passe-temps favori. Pourquoi m'en passer?
Je m'accordai une récréation pour admirer le tableau du monde. Les feuilles des rameaux neufs avaient la fragilité et la transparence d'une soie fraichement dépliée. Probablement, arrivais-je à l'orée de la forêt. Je voyais désormais des morceaux de ciel, des bribes de nuages. Aussi, l'odeur de mousse et d'humus était atténuée par diverses senteurs fleuries. Plus loin en effet, des arbres en fleurs rosissaient l'endroit de leur gaité éclatante. Et tout autour dans l'herbe grasse, les oiseaux d'après-midi roucoulaient et gazouillaient, heureux.
Douce solitude
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20-12-2010, 03:09:17
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