Douce solitude
#4
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Comme une quête initiatique





Voici des heures que je marchais sous une chaleur accablante. La forêt, qui se faisait de moins en moins dense, ne filtrait plus les rayons du soleil. On aurait dit que l'Astre du Jour brûlait la végétation exposée, lentement, à petit feu. Néanmoins, il demeurait quelques zones d'ombre dont la fraîcheur subsistait.


Me reste-t-il de l'eau? me demandai-je. Certainement.

J'entrepris de fouiller dans mon sac pour le vérifier. Avec hâte je m'emparai de la gourde que je portai aussitôt à ma bouche.


Les arbres, comme les fleurs, transpiraient, et leur effluve parvenait jusqu'à mes narines. Ma soif apaisée, je pus apprécier le parfum suave qui émanait de la forêt. Le ciel ne s'ennuageait guère mais la chaleur devint supportable… D'autant que les lieux s'embellissaient au fil de la marche. C'était sans doute pour m'encourager à continuer que la forêt déployait ses trésors. Une ruse qui fonctionnait.


Soudain, je rencontrai un carrefour. Un large chemin en terre battue s'offrait à moi, ainsi qu'une sente menant à un escalier de pierre. A gauche ? Non, à droite ! Faisons confiance à mon instinct plutôt qu'au tien. Alors, je me détournai du layon et suivis l'étroit sentier qui semblait avoir été peu emprunté.



Peu m'en chaut de prendre ce chemin plutôt qu'un autre. Peu m'en chaut de n'avoir la connaissance d'où je vais. Tu entreprends malgré l'incertitude. C'est, je pense, ma conception du courage : faire des choix qui font peur, faire des choix même si l'on n'est pas assuré du résultat. Ce choix pourrait bien se solder par un échec. Prendre des risques n'est pas ma devise, mais ce par quoi se manifeste mon courage. Avoir du courage, c'est affronter sa peur de l'échec. Y aller sans se poser de questions, et avoir raison de ses craintes. Seulement, ne devrais-tu pas t'interroger plus avant d'agir ? Ton instinct ne peut régir indéfiniment ta vie… La vie est une succession de choix mais comment savoir lesquels sont les bons ? On ne le peut guère. Devrais-je donc cesser de vivre pour réfléchir et espérer qu'une vie plus exaltante m'attend dès demain ? Tu n'as pas tort mais… Mais ? Mais la patience est une vertu et… En t'écoutant, je me revois, novice, et fébrile, il y a de cela des siècles…


Par une délicieuse journée printanière, je me baladais dans Asteras, cette ville immense qui m'avait vue grandir. Je flânais dans les rues de la Cité, le rose aux joues, les yeux brillants. Tantôt, je rentrais dans la boutique de magie, tantôt dans l'armurerie. Je rêvais de pendentifs d'arcanite et d'arcs. Aussi, je restais des heures entières à baver devant les vitrines du plus grand magasin d'Asteras. Déjà, la tête emplie de rêves et de projets. Ces rêves je les partageais avec Raizen, ce haut-elfe téméraire qui me suivait partout où j'allais. Au fil des années, s'étaient tissés des liens, et nous partagions bien plus que nos rêves. J'étais jeune et douée d'une générosité rare mais fort heureusement cela a bien changé. Il m'expliquait que par-delà les remparts, au dehors, il existait des monstres que seuls les plus grands mages pouvaient combattre. Naquit alors le désir de me former à l'Arcane. Je ne comptais plus mes journées passées à étudier à l'Académie. Assise en tailleur devant les étals de livres, j'étudiais avec rigueur sans jamais me lasser. A cette époque, j'étais assoiffée, avide, de connaissances. Et pendant que je feuilletais mes bouquins, Enthanel, un elfe prévenant et bon conseiller que j'avais rencontré dans une échoppe, partait à l'aventure. Le parchemin que je reçus de lui me fit prendre conscience que je passais à côté de mon destin. Pourquoi s'adonner à d'austères études quand le monde vous tend la main ? Ce n'était pas moi, cet excès de gentillesse, cet intérêt pour les ouvrages de magie. Il me fallait exister. M'accomplir dans mon être. Ainsi, je me réveillai… et bientôt me révélai à moi-même.

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