Un crieur public annonce ce qui suit...
#4
Sindaar traversait la cité lorsqu'il entendit le crieur public déverser sa colère vengeresse sur le peuple centaure.
Sa première pensée fut que décidément, au regard des postures prises par les officiels centaurii, dont faisait partie le crieur public, il avait l'impression que tout était fait pour qu'une guerre éclate entre les elfes sylvains et les centaures.

De plus en plus souvent il entendait ses congénères hurler leur volonté de vengeance au nom de l'honneur de la déesse argentée.
Le fait qu'un être vivant, centauri ou non, se fasse tuer par un autre, centauri ou non, n'était tout de même pas chose nouvelle. De même les voleurs existaient dans toutes les races, même au sein de son peuple pourtant fier et honorable.

Tous ces guerriers, ces druides, ces shamans, ces archers et ces soi-disant sages, semblaient n'attendre que l'excuse suffisante pour qu'ils puissent faire la preuve de leurs talents destructeurs lors d'un combat "juste et légitime".

Sindaar se reconnaissait de moins en moins dans les courants politiques et guerriers qui agitaient son peuple. En soi ce n'était pas un problème ni si important que cela, il n'était que le pétale d'une fleur commune éclairée par la lueur blafarde de sa déesse.

Non, ce qui lui causait problème, c'était qu'il avait l'impression que le culte d'Aletheria était de plus en plus souvent dévoyé, invoqué pour soutenir quelques instincts sanguinaires.
A l'issue de ses lunaires méditations solitaires, au cœur de la forêt, Sindaar se sentait empli de calme et de sérénité. Pour lui Aletheria était une déesse de vie et non de mort, une déesse de nuit et non de néant, la mère bienveillante et non la matrone vengeresse.

Il savait bien que la période de la Nox'Ubah faisait accélérer le sang des centaures, qu'à cette occasion des désirs de sang et de massacre naissaient au cœur de son peuple. Mais cela ne justifiait pas les propos et réactions irréfléchis de ses pairs.
Enfin, il lui était difficile de voir de quelle manière le Roi Thereus et sa femme, la Reine Narië, étaient invoqués eux aussi, bousculés parfois. Comment son Roi, dirigeant le royaume d'une implacable main de fer, pouvait-il laisser les siens lui présenter si rudement leurs exigences, qu'elles qu'elles soient ? Comment sa reine, d'ordinaire si tempérée, pouvait-elle laisser ces torrents de colère parcourir les chemins de la forêt ?

Il ne comprenait pas ce qui était en train de la secouer, la forêt, mais il lui paraissait évident que derrière ces cris et ces rumeurs, par delà les rivières de sang que l'avenir semblait promettre, une volonté était à l'œuvre. Mais probablement était-il le seul à ressentir cela. Une feuille sur un vieux chêne. Un silence dans une mélodie. Une folie dans un monde ordinaire.

Prenant son départ en se projetant en avant, les pattes arrières bien calées dans le sol, se cabrant presque sous la puissance de sa poussée, Sindaar se dirigea vers les portes nord est de la cité.
En passant à la hauteur du crieur, en lieu et place de sa longue réflexion, il prononça ces quelques mots :

- C'est absurde.

Puis il quitta la cité.
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