Le Royaume d'Andoras

Version complète : [RP] Au nom du père...
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Selinde Belroza

La foudre frappa le sol au loin, illuminant la scène d'un éclair aveuglant dans la nuit noire. A ses pieds, gisaient les corps calcinés de quelques mercenaires qu'elle piétina presque rageusement. Le tonnerre retentit alors, brusque écho du craquement sourd d'une mâchoire ennemie écrasée sous sa botte. Même morts, ils ne méritaient guère sa pitié.

Un autre éclair. Son regard eut le temps de se poser sur d'autres dépouilles désarticulées, déversant leur sang dans la neige. L'odeur de la chair calcinée se répandait dans l'atmosphère, la chargeant de la cruelle fatalité des champs de bataille. Le cor de chasse résonna dans la vallée, alertant les agars assoupis d'une menace contre leur campement.

“Venez. Venez donc mourir à mes pieds.”

L'orbe de flammes dans ses mains s'agita, se chargeant d'une aura menaçante qu'elle libéra brusquement. Une salve de feu en jaillit et s'abattit sur les tentes ennemies. Elle souria, satisfaite d'entendre les hurlements des malheureux brûlés vifs. Le feu les avait trouvés dans leur sommeil et les réveillait à présent pour leur faire endurer le tourment d'une agonie lente. Elle se délectait de chaque cri, de chaque gémissement de douleur, se jurant intérieurement qu'il ne serait pas le dernier.

Tout le camp de ces mercenaires s'embrasait sous ses yeux, et ceux de sa petite troupe hétéroclite, composée autant de taliens que d'agars. Au petit matin, il ne resterait à l'évidence plus que des cendres… et des carcasses laissées à la merci de la charogne. La haine se reflétait dans ses pupilles noisettes. Elle les tuerait tous s'ils ne s'agenouillaient pas devant elle. Jusqu'au dernier. Comme l'aurait fait le Jarl Aaren, son père. Certainement. Sa vengeance ne faisait que commencer.

Selinde Belroza

Tandis que les flammes se nourissaient cruellement du camp de mercenaire, léchant les corps inertes autant que les toiles des tentes, elle vit l'ombre menaçante d'une créature de cauchemar se glissait dans le dos du guerrier talien et du skalde agar pour les immobiliser de ses fils de soie. La pyromancienne voulut accourir, mais une gêne à sa cheville la fit baisser les yeux. Elle contempla l'homme blond au bord de l'agonie qui agrippait sa botte. Visiblement, il usait de ses ultimes forces pour implorer sa clémence.

“De la pitié ? Mais bien sûr.”

Elle lui sourit dans un simulacre de miséricorde avant que ses traits ne se déforment brusquement, révélant la rage qui bouillait en son coeur. Elle se défit sans effort de l'emprise du barbare, écrasant de sa botte son poignet jusqu'à le sentir se briser. Il hurla.

Elle s'accroupit à son chevet, caressant le visage tuméfié et noirci par la cendre de ce pauvre hère. Incapable de bouger, il lui lançait le regard affolé de celui qui sait sa fin toute proche.

“Crois-tu qu'ils aient fait preuve de la moindre clémence lorsqu'ils ont assassiné Père pour satisfaire ce maudit Stirling ? Même après sa mort, son nom résonne comme une malédiction. Ce scélérat n'épargna nul outrage au défunt, déshéritant de ses terres son clan pour les offrir à ses plus dévoués canidés.

Stirling payera ces affronts de ma main.”


La main de la pyromancienne s'arrêta sur la gorge du malandrin. Elle exerça une pression sur sa trachée, le tourmentant plus encore avec une respiration difficile. Elle éclata d'un rire sournois, avant de reprendre froidement.

“Je n'ignore pas les caravanes marchandes du Concordat, massacrées et pillées par les tiens. Je ne m'en serai guère attendrie si cela ne fut exécuté avec la bénédiction du Jarl des Jarls. Plus que son approbation tacite, j'en soupçonne sa supervision. Aucun pardon n'est possible pour les pantins de Stirling.

Il ne m'est rien de plus agréable que d'étioler une à une, les fondations de sa tyrannie. Je serai l'épine dans son hégémonie, le poison insidieux dans ses frontières.

Sais-tu ce qui est plus douloureux encore que de vivre ses derniers instants brûlé vif ?”


Elle marqua une pause, contemplant ce qui restait du fier guerrier agar à sa merci. Un sourire carnassier aux lèvres, elle continua.

“C'est de sentir son corps se consumer de l'intérieur. De sentir son sang entrer peu à peu en ébullition, répandant le feu et le douleur dans chacun de ses organes internes. La souffrance est lente à s'affirmer dans les veines, mais une fois installée, elle devient insoutenable. Seul un trépas rapide devient alors salvateur.”

Au fur et à mesure qu'elle exprimait, avec sadisme, le destin funeste qui l'attendait, les gémissements du mercenaire se muèrent en des hurlements de plus en plus violents, agrémentés de convulsions toujours plus intenses. Le silence s'ensuivit après quelques insupportables minutes, marquant le point final d'une vie de combat.

Elle se releva, cherchant du regard ses compagnons pour les soutenir face à l'arachnide. Aymesta se trouvait déjà plantée dans l'abdomen du monstre, ses huit pattes chitineuses recroquevillées dans une mortelle rigidité. Ce fut ce moment que choisit Arya, la briseuse, dirigeante renommée de ce camp.

Les deux femmes se firent face, la rougeoyante face à la blafarde.

Selinde Belroza

Elle leva au dessus de sa tête cette lourde hache ramassée sur le cadavre d'un de ses adversaires. L'effort pour la soulever n'était pas moindre. Elle dut la saisir à deux mains, bien fermement, pour y parvenir sans chanceler sous son poids.

Elle laissa sa lame aiguisée s'abattre brusquement sur le cou de la Briseuse. Emportée par un tel élan, elle tituba. La tête de la rougeoyante guerrière, elle, roula sur la neige la souillant d'un océan sanglant.

Tout était à présent terminé.
Il ne restait autour d'elle que des tentes encore fumantes, des corps désarticulés et l'oriflamme de la Salamandre hissée fièrement. Au milieu de toute cette désolation, sa rage destructrice s'apaisait doucement jusqu'à en devenir quelques braises endormies dans son coeur.

Mêmes les corneilles se turent, apeurées par ce silence oppressant que nul n'osait briser.

Selinde Belroza

Nous avancions lentement au travers des bois, préférant le camouflage de leur branchage au confort d'une grande route. Je craignais les regards posés sur nous, et plus encore, je redoutais les rumeurs qui en découleraient.

Bien assez tôt, ils découvriraient notre oeuvre. Mon oeuvre teinté de sang. Mon carnage sur toile de neige. J'en porterai les conséquences sans ciller, laissant l'imagination collective exalter tous les cruels délices et les doux sévices dont la démone aux cheveux blancs pouvait se rendre coupable.

Bien assez tôt, ce surnom qui m'avait été craché au visage serait sur toutes les lèvres, inspirant tout aussi bien le dégoût que la crainte. Je les entendais déjà psalmodier leurs injures avec la ferveur religieuse des seuls vrais dévots, apôtres de la bonne parole qu'ils étaient tous. Cela me convenait bien.

A cette pensée, un demi-sourire se dessina sur mes lèvres que la bise glaciale avait violacées. Cela me convenait fort bien, même. Mais l'urgence imposait d'acheminer au plus tôt le fruit de notre escarmouche en direction des terres taliennes. Le lourd chariot, rempli autant de haches agars de seconde main que de cuirasses cabossées, nous ralentissait grandement.

Il brinquebalait de gauche à droite au grès des aspérités du terrain et des obstacles de branchage. Il était tiré par un cheval docile que je menais sans effort par la bride pour l'inviter à avancer d'un pas tranquille. C'était un bel animal, un hongre robuste, taillé pour la traction et le travail des champs. Parfait pour la tâche qui lui était réservé.

Ekairos, qui jusqu'à présent suivait le chariot de l'arrière, remonta jusqu'à moi. Son regard tomba sur la bourse ensanglantée qui pendait à mon flanc. Telle une gourde percée, il en tombait quelques gouttes éparses. Des gouttes sombres bien trop épaisses pour n'être que du vin. Il n'eut besoin d'exprimer ses interrogations, ses yeux parlaient pour lui.

“Dés que nous trouverons un coursier digne de ce nom, je l'enverrai au Jarl des jarls. Enfin, peu m'importe qu'elle lui arrive en mains propres à vrai dire. L'émotion suscitée aux portes de Bjornhill me suffit amplement.”

Bien que regardant droit devant nous, je devinais aisément le rictus déformant le visage du Skalde.